Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/63

Cette page n’a pas encore été corrigée

titude et de clarté s’expliquent l’un et l’autre par les origines et par l’éducation de M. de Heredia. Il descend de ces conquistadores qu’il aime tant, et dont la vie a été comme un rêve sublime. Il a parmi ses ancêtres un des compagnons de Cortez, un fondateur de ville. Et toute son enfance s’est passée à Cuba, parmi les enchantements de la plus belle flore qui soit au monde : une enfance nue, libre et rêveuse, pareille à celle de Paul et Virginie. Et plus tard c’est à la Havane, dans la cour de l’École de droit et de théologie, sous les orangers d’une fontaine, qu’il lisait ses auteurs favoris, Ronsard, Chateaubriand et Leconte de Lisle. Il tient apparemment de ses origines espagnoles et créoles la grandiloquence de ses vers, la « grandesse » de ses sentiments et l’opulence de sa vision ; mais il a aussi du sang normand dans les veines, et il est permis de croire que c’est par là que lui sont venues ses bonnes habitudes classiques, son goût de l’ordre et de la clarté. Il a d’ailleurs fait ses études dans un vieux collège de prêtres qui étaient d’excellents humanistes à l’ancienne mode, et il a été, par surcroît, élève de l’École des chartes. Ainsi la sublimité d’imagination du descendant des grands aventuriers, contrôlée et contenue par le lettré et par l’érudit, a éclaté avec une véhémence plus travaillée et plus sûre. Il en est résulté des sonnets si pleins qu’ils « valent vraiment de longs poèmes », et si sonores que la voix humaine ne suffit plus pour les clamer et qu’il y faudrait une bouche d’airain.