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II

Or, tandis que d’autres donnaient dans le mysticisme sensuel de Baudelaire ou dans le bouddhisme de Leconte de Lisle, et tandis que presque tous étaient profondément tristes, le sentiment que M. José-Maria de Heredia exprimait de préférence, c’était je ne sais quelle joie héroïque de vivre par l’imagination à travers la nature et l’histoire magnifiées et glorifiées. En cela il se rencontrait avec M. Théodore de Banville ; mais ce qui peut-être le distinguait entre tous, c’était la recherche de l’extrême précision dans l’extrême splendeur. Il joignait à l’ivresse des sons et des couleurs le goût d’une forme dont la brièveté, l’exactitude et la plénitude rappelassent en quelque façon nos écrivains classiques. Il rêvait d’enfermer un monde d’images dans un petit nombre de vers absolument parfaits et de faire tenir les songes d’un dieu dans de petites coupes bien ciselées. Dès lors la forme du sonnet, qui exige la sobriété et commande presque la perfection, qui n’a pas le droit d’être plus ou moins bon, mais qui doit être superbe ou exquis sous peine de n’être pas, s’imposait à M. José-Maria de Heredia. Et, en effet, il n’a guère écrit que des sonnets, et il est assurément, avec le poète des Épreuves et dans un genre très différent, le premier de nos sonnettistes.

Ce tour d’imagination héroïque et ce besoin d’exac-