Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/337

Cette page n’a pas encore été corrigée

Ce qui domine, c’est une impression de force. Et vous la retrouverez, si vous passez des romans ecclésiastiques aux romans campagnards. Les paysages sont rudes, les personnages simples et violents. Les amoureux aiment jusqu’à la folie, jusqu’au meurtre ou au suicide : voyez Pancol, Eran, Félice l’hospitalière. La Pancole, la Galtière, la Combale sont d’épouvantables mégères. Il y a chez Barnabé, cet ermite digne de Rabelais, une magnifique et formidable surabondance de vie animale. Et voici, tout à côté, d’exquises figures : Méniquette et Marie Galtier, d’une pureté de fleurs, pareilles à des bergères de vitraux, à des petites saintes de Puvis de Chavannes, et le neveu de l’abbé Célestin, échappé à travers la grande nature maternelle comme un petit faune en soutanelle rouge, petit faune innocent qui a des pudeurs de petit clerc ou de jeune fille…

Le Chevrier et Barnabé ne sont pas de moindres chefs-d’œuvre que Lucifer ou Mon oncle Célestin. M. Ferdinand Fabre est un peintre incomparable des prêtres et des paysans : s’il tente d’autres peintures, s’il aborde Paris (comme dans certaines pages du Marquis de Pierrerue), il y paraît gauche et emprunté. C’est qu’il a eu deux nourrices : la montagne et l’Église. Il est lui-même un montagnard poète qui a failli être prêtre. Je soupçonne que c’est, au fond, l’amoureux de la nature qui a détourné le lévite ; que c’est Cybèle qui l’a enlevé à Dieu. Sans doute il était trop ivre de la beauté de la terre pour devenir le mi-