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l’état de sujétion absolue où les prêtres sont tenus par leurs évêques. Lors donc que le désir vient à quelques-uns de secouer ce joug et aussi de goûter dans toute leur étendue ces joies superbes de la domination spirituelle, ce qu’ils voient forcément au fond de leurs rêves ambitieux, c’est l’épiscopat, à moins que ce ne soit la direction de quelque ordre monastique. Ainsi leur passion du pouvoir garde toujours un caractère religieux, car l’épiscopat est la plénitude du sacerdoce. C’est Dieu qui vous y appelle, et c’est répondre à ses desseins que d’y aspirer. Une ambition de cet ordre ne laisse donc le plus souvent ni scrupule ni inquiétude de conscience : en priant Dieu de l’éclairer sur sa vocation épiscopale, le prêtre se convainc presque inévitablement qu’il se conforme, en effet, à la volonté divine. L’histoire nous montre assez quels ambitieux le sacerdoce a produits. C’est qu’il n’est pas de profession où les vues et les passions personnelles paraissent mieux s’identifier avec le dévouement à un intérêt supérieur, à l’intérêt de la cause de Dieu ; et de là, chez le prêtre, cette surprenante sécurité morale dans le gouvernement des choses de ce monde et dans les voies qu’il choisit pour y parvenir. Et souvent aussi la passion du pouvoir s’exaspère chez lui par l’absence des autres « divertissements » (pour parler comme Pascal), par les contraintes du célibat. Toutes les énergies du prêtre, refoulées sur d’autres points, se précipitent par la seule issue qui leur reste ouverte.