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survit que quelques jours à cette aventure et meurt en montant à l’autel.

On sait que ce roman a commencé la réputation de M. Ferdinand Fabre. Il a beaucoup de charme et de puissance. Vous y trouverez, à côté de scènes d’une violence sauvage (peut-être même l’auteur a-t-il forcé le contraste : Pancol et la vieille Pancole sont d’horribles fauves), d’autres scènes d’une douceur, d’une simplicité, d’une piété exquises. La Sévéraguette, la Courbezonne et le curé sont délicieux ; le livre est par endroits tout parfumé de prière et tout embaumé de charité, et cela n’a rien de fade et cela fait songer au Vicaire de Vakefield : mais ce clergyman n’est qu’un très digne homme ; l’abbé Courbezon est un prêtre et un saint.

De là les caractères particuliers de sa charité. Un philosophe donne, comme don Juan, pour l’amour de l’humanité. S’il est d’un cœur tendre et ardent, il peut se sacrifier, mais non pas sans réserve, et il ne sacrifie pas les autres. Mais le premier effet de la foi et de la profession de l’abbé Courbezon, c’est le dévouement complet, l’abandon entier de sa personne. Il donne tout, il se dépouille à chaque instant, il vit de rien ; qu’est-ce que le corps, cette guenille de péché ? Au reste, garder quelque chose pour soi serait douter de Dieu et n’observer qu’à demi son commandement. Le second effet, c’est la subordination de certains devoirs humains au devoir religieux et supérieur, un penchant à attendre ou même à exiger des autres ce dont