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tout cela, et qui le croit, et qui en a conscience !… Réfléchissez combien un tel état d’esprit est extraordinaire et comme il doit modifier l’être tout entier.

Et, en effet, nul pli professionnel n’est aussi tranché, aussi profond, aussi ineffaçable que celui du prêtre, non pas même celui que l’habitude, la spécialité ou la gravité des fonctions impriment au magistrat et au soldat. Car chez ceux-ci la profession ne prend pas l’homme dès l’enfance et elle ne le tient pas jusqu’à la mort. Les traits par où ils nous ressemblent sont beaucoup plus nombreux que ceux par lesquels ils se séparent de nous. J’ose dire que c’est le contraire chez le prêtre. Un chrétien qui, dans la pratique, pousse jusqu’à leurs dernières conséquences les obligations de sa foi est déjà une créature rare et singulière et qui se distingue fortement du reste des hommes : rappelez-vous les solitaires de Port-Royal. Que dirons-nous donc d’un prêtre qui, outre la constante préoccupation de son salut, a encore celle de son miraculeux ministère, qui tous les jours fait descendre Dieu sur l’autel et condamne ou absout au nom de Dieu ? Sans compter que sa fonction lui impose une vie à part, le fond de pensées habituelles que cette fonction implique doit non seulement réagir sur ses manières, sa parole et toute sa tenue, mais encore imprimer à tous ses sentiments, à ses passions, à ses vices comme à ses vertus, une marque énergiquement caractéristique. Ni un prêtre n’est bon ni il n’est méchant de la même façon que nous ; ou, si l’on veut, il l’est encore d’une autre