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grand troupeau humain, on plie son corps et son âme aux pratiques religieuses. Au petit séminaire, les exercices se multiplient : tous les jours, messe, chapelet, méditation, lecture spirituelle ; tous les dimanches, catéchisme et sermons ; confession et communion fréquentes ; à quinze ou seize ans, la soutane. Au grand séminaire, la séquestration morale se complète : les pratiques pieuses, toujours plus nombreuses et plus longues, pétrissent l’âme, lentement et invinciblement. On a des heures de solitude où l’on reste presque sans pensée, hypnotisé par une idée fixe, celle du sacerdoce où l’on tend. L’enseignement de la théologie et de l’histoire ecclésiastique achève la formation de l’âme sacerdotale. Nulle communication avec le dehors ; les livres du siècle ne vous parviennent qu’en petit nombre, résumés et réfutés. Pendant ses vacances, le jeune lévite reste isolé dans le monde, vivant le plus possible avec son curé, évitant les compagnies frivoles, déjà respecté de ceux qui l’approchent, et même de sa mère. Il est prêtre enfin, c’est-à-dire (pesez bien les mots et tâchez d’en concevoir tout le sens : ils sont étranges et stupéfiants) ministre et représentant de Dieu sur la terre, choisi et consacré par lui pour distribuer ses grâces aux autres hommes par les sacrements, investi du pouvoir exorbitant de changer du pain et du vin au corps et au sang de Dieu lui-même. Cela ne vous dit rien, à vous, parce que vous êtes un profane, un indifférent, un malheureux égaré ; mais le prêtre qui, étant homme, est pourtant