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Par là-dessus il existe contre le clergé un préjugé très fort et extrêmement répandu. Non seulement les lecteurs des feuilles radicales, mais même leurs rédacteurs, non seulement les neuf dixièmes des ouvriers des villes, mais beaucoup de bourgeois et de lettrés sont intimement convaincus que le plus grand nombre des prêtres manquent à leur vœu de chasteté et détournent les femmes au confessionnal, et que d’ailleurs ils ne croient guère à la religion dont ils sont les ministres. Or, pour ceux qui savent un peu les choses, ce sont là deux cas très rares, et même le second se rencontre à peine. Les gens qui ajoutent foi à ces lourdes calomnies ignorent ce qu’est l’éducation des prêtres et quelle empreinte elle leur enfonce au plus profond de l’âme. Puis ils ne songent point combien serait dure à jouer et de peu de profit (sinon dans les hautes dignités) la comédie qu’ils leur attribuent, et de quels horribles sacrifices les prêtres incroyants payeraient d’assez minces avantages.

Tout ce qu’on peut accorder, c’est que beaucoup de petits paysans entrent au séminaire pour des raisons de prudence et d’égoïsme naïf. Un de mes voisins de campagne, homme de joyeuse humeur et philosophe cynique, s’amusait, quand il avait chez lui des étrangers, à poser au fils de son fermier, un enfant de huit ans, les questions suivantes dont il avait dicté les réponses :

« — Qu’est-ce que tu veux être, Germain ?

— J’ veux êt’ curé ?