d’être bouddhiste, et béni soit Çakia-Mouni ! Sa philosophie
n’est peut-être pas très claire : mais combien
belle ! Ce monde est un scandale au juste ? Rassurez-vous.
Ce monde n’est pas vrai : il n’est que le rêve de
Hâri. Et qu’est-ce que Hâri en dehors de son rêve ? Il
n’est pas très aisé de le savoir. Ce qui est certain, c’est
qu’il est parfaitement heureux et qu’on arrive à se fondre dans sa
béatitude par le détachement et la bonté inactive. Ce sont bien, en
effet, les deux seules choses qui ne trompent point. Ajoutez-y le rêve
poussé jusqu’à l’évanouissement de la conscience. Certes, elles sont
monstrueuses, les idoles de l’Olympe indien, mais, bien mieux que les
belles divinités grecques elles font courir en nous le frisson du
mystère. La bizarrerie de leurs formes, la disproportion de leurs
membres et l’absurdité de leur structure ne donnent point l’idée d’une
personne et découragent l’anthropomorphisme où nous sommes enclins.
Elles n’ont point de beauté ni, à proprement parler, de laideur mais des
contours extravagants d’où l’harmonie est absente et qui, par une sorte
d’indéfini terrible, symbolisent l’infini. — Et s’il vous plaît de voir
quelqu’une de ces figures, non plus telle qu’on peut la traduire aux
sens, mais telle que l’imagination la conçoit, contemplez le dieu Hâri,
le principe suprême, dans la Vision de Brahma. Toute splendeur et
toute horreur s’y trouvent réunies. Rien n’égale la précision des
détails, sinon le vague formidable de l’ensemble. Il croise comme deux
palmiers d’or ses vénérables
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LES CONTEMPORAINS.