Page:Lemaître - Les Contemporains, sér2, 1897.djvu/277

Cette page n’a pas encore été corrigée

fonde antipathie pour son contraire. On comprend maintenant que M. Weiss n’aime pas (encore qu’il l’estime fort dans quelques-unes de ses parties) la littérature positiviste et brutale des trente dernières années, l’observation désenchantée et sèche, la conception fataliste de la vie et des passions humaines. Car ce pessimisme dédaigneux détourne de l’action, et M. Weiss aime l’action. Ce lettré accompli ferait volontiers, on le sent, autre chose que de la littérature. Il a toujours rêvé d’être dans les affaires publiques. Il n’a fait qu’y passer, et je le soupçonne de ne s’en être pas entièrement consolé.

Il aime l’action, il aime la vie, il aime la force. S’il adore Scribe et Dumas, c’est assurément à cause de leurs œuvres, mais aussi par la raison qu’il admire tant Gambetta (et en général tous ceux qui ont joué un grand rôle dans l’histoire) : parce qu’ils ont été forts, puissants, féconds. Le beau de la vie, pour M. Weiss, n’est point de subir ou de copier la réalité, mais de la dominer, de la pétrir, soit en des œuvres d’art, soit par l’action matérielle ; c’est de lui imposer, dans la mesure où on le peut, la forme de son rêve. Il n’y a que cela d’intéressant au monde, puisque la vérité nous échappe et que ceux qui croient la tenir la voient si sombre. À l’action dans la vie correspond, dans l’art, le souci de l’idéal. M. Weiss, qu’on ne s’y trompe pas, est un fougueux idéaliste. Il n’aime pas seulement l’esprit, qui est, de toutes les façons de voir et d’exprimer les choses, celle dont on jouit le plus sûrement : il aime le romanesque, l’héroïque, l’impos-