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Je n’aurai pas la candeur d’objecter qu’entre la sauvage hypocondrie d’un vieux poète saxon et l’esprit de Regnard il y a de la place ; que vraiment on peut rêver quelque chose au delà des fantaisies un peu courtes de Crispin, une vision, un sentiment de la vie et des choses qui nous heurte d’une toute autre secousse et nous insinue un tout autre charme ; qu’enfin il y a des gens qui ne sont point des barbares et que pourtant les vers du Légataire ne plongent point en extase ni ne mettent sens dessus dessous. Après cela, je ne vois pas pourquoi tel morceau de Regnard, de Marivaux, de Piron, ne serait point de la poésie aussi bien qu’une scène de Shakspeare, un chant de Dante ou une ode de Victor Hugo ; et pour ceux qui la goûtent par-dessus tout, cette poésie proprement française est, en effet, la meilleure.

Au reste, M. Weiss adore, je crois, non seulement cette poésie et cet esprit, mais la société où ils ont fleuri délicieusement. On devine chez lui cette arrière-pensée que, pour un homme de talent, il faisait bon vivre dans ce monde du dernier siècle : le mérite personnel s’y imposait peut-être mieux, y était traité avec plus de justice que dans une société démocratique, bureaucratisée et enchinoisée à l’excès (M. Weiss a très souvent des paroles amères sur la morgue des administrations et sur les sottises des concours et de l’avancement.)

Cette prédilection si décidée pour la poésie dramatique du XVIIIe siècle implique naturellement une pro-