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cessait la pluie. Mon rêve eût été d’avoir une épaule mouillée et l’autre à sec. Ce n’est que plus tard, en y réfléchissant, que j’ai senti l’impertinence de mon désir. Les choses ne commencent guère ni ne finissent d’un coup net et précis.

Le moment qui s’est trouvé favorable à l’éclosion de l’opérette, ça été le second Empire : 1º l’opérette rendait aux Parisiens, sous une nouvelle forme, deux genres abolis et sourdement regrettés : l’opéra-comique et le vaudeville à couplets ; 2º elle était en harmonie secrète avec les mœurs et les goûts du jour : entre ce genre nouveau et l’esprit du public tel que l’avait fait le second Empire, il y avait de nombreux points d’attache. Le public avait alors d’évidentes dispositions à la blague, à l’outrance, au dégingandage. M. Sarcey définit ces trois termes. Il s’est toujours piqué d’être un moraliste : sa définition de la blague ne dément point cette innocente prétention.

La blague est un certain goût, qui est spécial aux Parisiens et plus encore aux Parisiens de notre génération, de dénigrer, de railler, de tourner en ridicule tout ce que les hommes, et surtout les prudhommes, ont l’habitude de respecter et d’aimer ; mais cette raillerie a ceci de particulier que celui qui s’y livre le fait plutôt par jeu, par amour du paradoxe que par conviction : il se moque lui-même de sa propre raillerie. Il blague.

Il blague la patrie et au besoin il mourrait pour elle ; il blague l’amour filial et pleure quand on lui parle de sa vieille mère. Il blague les beautés de l’Italie et se mettrait