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de prendre parti pour les uns contre les autres. Il lui faut au moins un « personnage sympathique ». Dans certains cas, du reste, ou plutôt dans certains genres, le personnage sympathique pourra fort bien être un coquin, pourvu que nous n’y songions point et qu’il ne nous apparaisse jamais que comme très spirituel ou très comique.

Le public n’est pas pessimiste : il ne saurait comprendre la fantaisie singulière de certains esprits qui voient le monde mauvais et qui s’en consolent par le plaisir tout intellectuel et aristocratique de cette connaissance. Ce que cherche le public, c’est quelque chose de plus gai ou de plus émouvant ou de plus grand que la réalité. Une vue misanthropique du monde ne fait point son affaire. Il préfère les plus tragiques horreurs à certaines cruautés d’observation. Il ne veut point emporter du théâtre une impression morose et dure. Il n’a goûté ni les Corbeaux ni la Parisienne. Lors de la dernière reprise du Chandelier, la grâce de Fortunio ne suffisait pas à mettre la foule à l’aise.

Enfin le public apporte au théâtre certains préjugés qu’il ne faut pas heurter de front. S’il s’agit de personnages historiques, il s’en fait d’avance une certaine idée. « Il existe pour le théâtre une histoire convenue, que rien ne peut détruire. Louis XI ne manquera pas de s’agenouiller devant les figurines de son chapeau ; Henri IV sera constamment jovial ; Marie Stuart, pleureuse ; Richelieu, cruel… » (Flaubert, Bouvard et