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pièce de théâtre est jouée devant un grand nombre de spectateurs.

Le gros public veut être « intéressé, » au sens le plus vulgaire du mot. Il n’est content que si sa curiosité est piquée, que s’il éprouve le plaisir de l’attente, de la prévision et de la surprise. Il lui faut une action, une « histoire ». Et comme presque tout l’intérêt au théâtre se concentre sur l’action, le public réclame impérieusement que l’action y soit « une » ; il supporte plus impatiemment qu’ailleurs le malaise, l’incertitude de l’attention dispersée. Par suite, une situation initiale étant donnée, il ne souffre pas que les plus importantes des scènes qu’elle rend probables lui soient escamotées. Il veut voir se rencontrer les personnages qui s’aiment ou se haïssent, qui sont séparés ou unis par des intérêts, des passions, des devoirs, et qui ont évidemment quelque chose à se dire. M. Sarcey appelle ces rencontres les « scènes à faire ». Le public veut absolument que ces scènes soient faites, et cela quand bien même on pourrait sans invraisemblance aboutir au même dénouement en négligeant ces rencontres.

Les hommes assemblés sont pris d’un grand besoin de justice et de moralité, précisément parce qu’ils sont assemblés et qu’un homme, en public, aime à ne manifester que les plus honorables de ses sentiments. Sans doute la foule n’exige pas que la vertu soit toujours récompensée et le vice toujours puni ; mais elle pense comme Corneille : « Une des utilités du poème