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qui sont mariés depuis douze ans et plus, n’aient pas échangé vingt fois ces confidences ?

— Moi, mon ami, je ne l’explique pas, et cela m’est parfaitement égal, parce qu’au théâtre je ne songe pas à l’objection. Tout ce que je puis te dire, ô critique pointu, c’est que, s’ils s’étaient expliqués auparavant, ce serait dommage parce qu’il n’y aurait pas de pièce et que la pièce est admirable.

Cela s’appelle une convention.

Cette convention, c’est qu’un fait auquel le public ne fait pas attention n’existe pas pour lui ; que tous les faits qu’il a bien voulu admettre comme réels le sont par cela seul qu’il les a admis, fût-ce sans y prendre garde.

Cette convention vaut, non seulement pour les faits antérieurs au drame, mais pour les moyens qui, dans le cours même du drame, amènent telle situation dramatique — toujours à condition que le public l’accepte, qu’il soit dupe, que l’auteur, comme dit M. Sarcey, nous ait « mis dedans ».

Qu’importe à un public qu’une aventure soit invraisemblable, s’il est assez occupé, assez ému pour n’en pas voir l’invraisemblance ? Un lecteur raisonne, la foule sent. Elle ne se demande pas si la scène qu’on lui montre est possible, mais si elle est intéressante ; ou plutôt elle ne se demande rien, elle est toute à son plaisir et à son émotion.

Voilà les principales conventions imposées par la forme même de l’œuvre dramatique. Il y a, de plus, certaines nécessités qui résultent de ce fait, qu’une