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Développons une partie au moins du contenu de ces deux propositions.

Les autres imitations de la vie, telles que l’épopée ou le roman, ne nous la mettent pas directement sous les yeux, mais l’évoquent seulement par la narration : c’est nous, en somme, qui nous composons à nous-mêmes les scènes que la narration nous suggère. Et pour nous les suggérer, pour nous les rendre vraisemblables, le romancier a tout son temps : il nous explique les choses à loisir, comme il veut, aussi longuement qu’il veut. Si un détail nous paraît faux ou choquant, cela n’est pas de conséquence, et d’ailleurs cela s’arrangera peut-être ou s’éclaircira un peu plus loin. Puis, le romancier s’adresse à un homme isolé qui a le temps de réfléchir et de revenir sur une impression, qui n’a aucune raison d’être hypocrite, de se mentir à lui-même, d’arborer des sentiments convenables et convenus ; qui enfin n’a pas de voisins que puisse gagner, comme une contagion, son malaise ou sa révolte. (Je ne dis point tout cela, on le pense bien, pour diminuer le mérite du romancier. S’il est plus facile d’écrire un roman qui se fasse lire qu’une pièce qui se fasse écouter, rien n’est meilleur ni plus rare qu’un très bon roman ; et un roman de premier ordre sera toujours plus riche d’observations et reproduira plus complètement la vie qu’un drame même excellent.)

Or, l’œuvre dramatique est comme pressée par deux nécessités contradictoires. Il lui est impossible,