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hasard et sans les rattacher à une théorie, ou ils se livraient à de brillantes fantaisies à propos et à côté de la pièce du jour.

« Enfin Francisque vint. » Il vint du fond de sa province, attiré par About, comme un Caliban de collège par un Prospero du boulevard (et l’on sait la fidélité touchante de son amitié pour son étincelant compagnon). Il vint armé de bon sens, de patience, de franchise et de bonne humeur ; professeur dans l’âme, consciencieux, appliqué, décidé à n’écrire que pour dire quelque chose ; non pas naïf, mais un peu dépaysé parmi la légèreté et l’ironie parisienne. Déconcerté, non pas. Il se mit à raconter tranquillement, de son mieux, les pièces qu’il avait vues, à les juger le plus sérieusement du monde et à motiver avec soin ses jugements. Il dit ce qu’il pensait et il le dit simplement, sans fioritures, sans paradoxes, sans feux d’artifice. Au milieu des prestidigitateurs de la critique dramatique il écrivit en bon professeur. Et cela parut prodigieusement original.

Lentement, à force de voir des pièces, d’observer et de comparer, il eut sur le théâtre, sur son histoire et sur ses lois, des idées d’ensemble parfaitement liées entre elles, une esthétique complète de l’art dramatique. Cette esthétique, on la trouve éparse dans les feuilletons qu’il écrit au Temps depuis dix-huit années : ce qui fait, en chiffres ronds, quelque chose comme neuf cent cinquante feuilletons, douze mille pages, trente-six volumes. On me dira que le nombre des