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siècle dernier par son esprit, par son style, par ses goûts littéraires, même par sa philosophie, qui, autant que j’en puis juger, serait celle de Condillac ou de Cabanis et de Destutt de Tracy. Je n’indique là que ses origines : il est du XVIIIe siècle encyclopédiste autant qu’on en peut être après qu’il a coulé tant d’eau sous les ponts. C’est le même esprit avec un surcroît d’idées, de sentiments et d’expérience. M. Francisque Sarcey sera, si vous voulez, quelque chose comme un gros neveu sanguin du maigre et nerveux Voltaire, neveu très posthume et né en pleine Beauce.

Je n’essayerai même pas de passer en revue les pages innombrables sorties de la plume aisée et robuste de M. Sarcey. — Son œuvre, c’est cinq ou six heures de conversation écrite, tous les jours, depuis trente ans. J’ai dit un mot du journaliste : je ne dirai rien du romancier, encore qu’il y ait bien de l’émotion et de la vérité dans Étienne Moret et bien de l’esprit, vraiment, dans les Tribulations d’un fonctionnaire en Chine. Si j’osais, je dirais que certains chapitres des Tribulations sont ce qu’on a jamais écrit de plus approchant des Contes de Voltaire, et, si je ne le dis pas, c’est lâcheté pure : on ne voudrait pas me croire. Je suis plus à l’aise pour rappeler ici (car les lecteurs de la Revue ont été les premiers à en savourer le régal) le charme de cordialité, de bonhomie, de franchise et de gaieté des Souvenirs personnels : savez-vous bien que M. Sarcey est un des très rares écrivains vraiment gais que nous ayons aujourd’hui ?