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elle se tord, elle se meurt, elle enveloppe l’amant d’un enroulement de couleuvre. Même dans les scènes où elle exprime d’autres passions que celle de l’amour, elle ne craint pas de déployer, si je puis dire, ce qu’il y a de plus intime, de plus secret dans sa personne féminine. C’est là, je pense, la plus étonnante nouveauté de sa manière : elle met dans ses rôles, non seulement toute son âme, tout son esprit et toute sa grâce physique, mais encore tout son sexe. Un jeu aussi hardi serait choquant chez d’autres ; mais, la nature l’ayant pétrie de peu de matière et lui ayant donné l’aspect d’une princesse chimérique, sa grâce idéale et légère sauve toutes ses audaces et les fait exquises.

Je sais bien qu’il y a d’autres éléments encore dans le talent de Mme Sarah Bernhardt ; mais ce n’est point le talent que j’ai voulu expliquer, c’est l’attrait, et je n’en parle, bien entendu, que pour ceux qui le sentent.


DANS FÉDORA

La femme harmonieuse et pliante, la femme électrique et chimérique a fait de nouveau la conquête de Paris. On lui résistait depuis quelque temps, on commençait même à être injuste pour elle. Et peut-être aussi n’avait-elle qu’imparfaitement réussi à donner une âme à Marion, et avait-elle fait d’Ophélia