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songez un peu à ce que doit être un livre de Pensées ! Du triple extrait de sagesse, de science et d’expérience. Il y faut, à chaque ligne, de la profondeur, de la finesse, de la délicatesse ou de l’esprit. Par la forme même de son livre, par la disposition typographique qui, isolant chaque pensée, nous la présente comme souverainement importante et nous la propose pour sujet de méditation, l’auteur semble prendre envers nous cet engagement que chacun de ces brefs alinéas supposera et résumera une masse considérable d’observations particulières, en contiendra tout le suc, sera l’équivalent d’un roman, d’une comédie, tout au moins d’un sermon ou d’une chronique. Il s’oblige à nous donner de l’exquis tout le temps. Des phrases ainsi mises en vedette, et auxquelles il attache visiblement tant de prix, n’ont pas le droit d’être insignifiantes ou banales.

« Il est donc furieusement honorable pour notre temps qu’un genre si difficile y fleurisse : apparemment, si nous écrivons tant de Pensées, c’est que, tard venus dans le monde et à une époque où l’observation est plus et mieux pratiquée qu’elle ne l’a jamais été, nous sommes un tas de moralistes très forts qui avons fait le tour des choses, qui sommes allés partout, et qui en revenons surchargés d’expérience… Mais je me méfie, comme dit M. Sarcey, et j’ai peur que cette floraison de maximes ne s’explique encore d’une autre façon.

« Il se pourrait qu’elles fussent charmantes sans