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de penser qu’il n’y a que la foule qui ait besoin, au théâtre, de s’intéresser, comme elle le ferait dans la réalité, aux entreprises d’un personnage ou d’un groupe, de prendre parti pour l’un ou l’autre camp. Ce qui est toujours suffisamment « sympathique » en art, c’est la manifestation éclatante d’une passion ou d’une énergie humaine.

Jéhovah vous semble horrible ? Et les dieux qui ordonnaient l’immolation d’Iphigénie et qui soulevaient la colère de Lucrèce étaient-ils donc si aimables ? Et faut-il un bien plus grand effort pour entrer dans le sujet d’Athalie que dans celui d’Iphigénie en Aulide ?

J’ai voulu relever les principaux abus que fait M. Deschanel du mot « romantisme ». C’est chose affligeante de voir un ouvrage si ingénieux gâté à ce point par un parti pris qu’on a peine à s’expliquer. Dans ses conclusions, M. Deschanel s’exprime plus nettement que partout ailleurs sur sa bizarre théorie et nous prête par là, semble-t-il, les meilleures armes pour la repousser. Il définit l’essence du romantisme « l’amalgame du passé avec le présent et du présent avec le passé »[1]. « Une définition plus étroite du romantisme en exclurait, dit-il, Shakspeare, Guilhem de Castro, Dante, le théâtre grec, la Bible. » Je demande en toute simplicité d’âme : Qu’est-ce que cela ferait ? et n’êtes-vous pas la victime (trop volontaire) d’une confusion dont vous jouissez, sans doute parce qu’elle pique la curiosité de votre public ? De ce que

  1. II, p. 275.