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enthousiasme ? Est-ce que par hasard Mithridate vaut beaucoup mieux, moralement, que Joad ? et serions-nous plus enchantés de heurter l’un que l’autre dans la vie réelle ?

Serait-ce point qu’Athalie est une tragédie cléricale ? Mais il n’a jamais été nécessaire, pour aimer un drame, de partager les croyances de ses personnages. On peut même ne sympathiser pleinement avec aucun et cependant être ému et admirer. Il suffit qu’ils aient, dans leur ordre, de la vérité, de la grandeur, de la beauté. Quand j’irais, comme Voltaire un jour, jusqu’à préférer secrètement la vieille Athalie, cette Elisabeth, cette Catherine, cette terrible femme qui porte si fièrement ses vengeances politiques et qui a, du reste, des retours de faiblesse féminine et presque de tendresse, je n’en serais peut-être pas moins subjugué par la grande allure de Joad, par sa foi absolue, par son impérieux et héroïque dévoûment à cette foi. Remarquez que Joad est ou se croit profondément désintéressé, qu’il s’imagine travailler pour Dieu et agir sous son inspiration, que, si j’entends bien la magnifique scène de la prophétie, il sacrifie à ce Dieu la vie de son propre enfant et que la vision du meurtre de Zacharie ne l’empêche point de faire ce qu’il croit être son devoir dans le présent. — Les fanatiques sont gens fort curieux, surtout dans un drame, où l’on n’a rien à craindre de leur manie.

Et si d’aventure ni Athalie ni Joad ne nous sont sympathiques, qu’importe enfin ? Je ne suis pas loin