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pide a fait œuvre romantique en traitant le sujet d’Iphigénie de manière à plaire aux Athéniens de son temps, et Racine en le traitant de la façon la plus agréable aux hommes du XVIIe siècle.

Il me semble qu’ici M. Deschanel avait une belle occasion de revenir au vrai sens du mot « romantisme » et de montrer qu’Ériphile est déjà, sauf le style, un personnage dramatique comme on les aimait aux environs de 1830. Ériphile ignore sa naissance, elle est sans nom, tout comme Didier et Antony. Elle est, comme eux, en insurrection contre la société. Comme eux, elle croit qu’un destin implacable la poursuit, qu’elle est une créature fatale et qui porte avec elle le malheur partout où elle va :

    Le ciel s’est fait sans doute une joie inhumaine
    À rassembler sur moi tous les traits de sa haine, etc.[1].

Son amour est d’espèce sombre et farouche comme ses autres sentiments. C’est parce que Achille a brûlé sa ville et l’a emportée elle-même comme une proie dans ses « bras ensanglantés », c’est pour cela qu’elle l’aime, et d’un amour furieux et qui la poussera au crime. D’ailleurs prête à la mort, y songeant dès la première scène, mélancolique jusqu’au désespoir, mais superbe encore et révoltée au moment même où elle cède à son destin.

    Je périrai, Doris, et par une mort prompte
    Dans la nuit du tombeau j’enfermerai ma honte,

  1. Iphigénie, II, sc. 1.