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gédie toute pure n’admettrait guère l’amour qu’au moment où il verse le sang, parce qu’alors seulement il devrait être réputé tragique. Tant qu’il ne tue pas, quelle que soit d’ailleurs sa violence, il appartiendrait à la comédie. Si Andromaque est une « comédie tragique » parce qu’elle admet l’amour, passion comique sauf le degré ou les conséquences, et si « à tel passage on peut presque se figurer qu’on lit le Dépit amoureux »[1], le Malade imaginaire, qui admet l’ambition, passion tragique sauf les conséquences ou le degré, pourra donc être appelé tragédie comique, et peut-être qu’« à tel passage on pourra se figurer qu’on lit » Britannicus. (Au fait, il n’y a guère de différence de nature entre Béline et Agrippine.) Dès lors il n’y aura pas de tragédie ni de comédie de caractère qui ne puisse être qualifiée de romantique ; car dans toutes on trouvera à la fois du comique et du tragique, toutes puisant au même fonds, qui est la vie humaine, et n’y ayant point de vice ou de passion qui ne puisse faire tour à tour sourire et trembler. Dire que telle tragédie de Racine est une comédie, c’est aussi vrai que de dire que telle comédie de Molière est une tragédie. C’est peut-être vrai si l’on considère l’effet produit sur certains auditeurs et si l’on fait abstraction de la forme ; mais ici justement la forme est tout, presque tout, et l’on ne saurait baptiser « romantiques » les œuvres de nos classiques qui peuvent prêter à ces remarques ; car ni le degré

  1. I, p. 109.