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encore à Racine d’avoir fait Esther et Athalie et d’avoir été dévot dans ses dernières années au point d’aller tous les jours à la messe. Ou plutôt non ; car Pierre Corneille a écrit Polyeucte, a traduit l’Imitation, a été marguillier de sa paroisse, et on ne lui en veut pas. Ce qui fait tort à Racine, c’est que son nom et son œuvre sont intimement liés au nom et au règne de Louis XIV et que beaucoup détestent aujourd’hui le Roi-Soleil, encore que ç’ait été un homme fort original, un roi sérieux et convaincu, et qui porta une sorte d’héroïsme dans l’exercice de ses fonctions et surtout dans la dure parade qui prit une bonne moitié de sa vie.

Il y a peut-être d’autres raisons. Bien en a pris aux jansénistes d’avoir haï les jésuites, et à Molière d’avoir haï les dévots et écrit le Tartufe : en vertu de quoi Molière est sacré, et ces huguenots honteux de jansénistes sont presque sympathiques. Mal en a pris à Racine d’avoir eu des torts envers ceux à qui il ne faut pas toucher, d’avoir raillé Port-Royal et offensé Molière. Ce sont choses qui ne se pardonnent pas. Pour ma part, j’en passerais bien d’autres à Racine. Tout compte fait et en dépit de ses faiblesses, il me paraît avoir été un fort honnête homme.

Il me semble, du reste, que tous ceux qui ont marqué dans notre littérature ont été par leurs mœurs, ou par leur probité, ou par leur bonté, ou tout au moins par leur générosité native, dans la bonne moyenne de cette pauvre humanité, ou sensiblement