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J’imagine un temps, encore lointain, où, toutes les littératures ayant parcouru leur cycle naturel, le critique, accablé sous la masse énorme des choses écrites, serait obligé de ne retenir que les œuvres clairement caractéristiques des différents génies nationaux aux diverses époques : il me semble que l’œuvre de Racine aurait alors une autre importance et un autre intérêt que celle de son grand rival.

Je ne pense donc pas qu’il soit besoin de demander la permission d’admirer les tragédies de Racine. Et, si l’on aime tant son théâtre, je comprends peu qu’on étudie sa vie et son caractère dans un esprit de malveillance et de chicane.

M. Deschanel reproche durement à Racine ses deux lettres à MM. de Port-Royal, sa brouille avec Molière, les allusions à Corneille dans la préface de Britannicus, sa froideur en apprenant la mort de la Champmeslé, la prise de voile de ses filles, je ne sais quoi encore. Il parle d’« ingratitude », de « déloyauté », de « trahison », de « sécheresse de cœur ». Ce sont là de bien gros mots. Passons en revue tous ces griefs.

Outre que la première faute de Racine (contre ses anciens maîtres) a été effacée par un repentir éclatant et courageux, n’y trouverait-on pas des circonstances atténuantes ? Racine était fort jeune : après avoir failli mourir d’ennui chez son oncle le chanoine, il jetait sa gourme, il éclatait. Puis, nous ne pouvons être juges du degré de reconnaissance qu’il devait à MM. de Port-Royal. Les sept odes enfantines ne