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œuvre oratoire (chose rare) n’est pas encore refroidie après quarante ans. Ni logicien, ni critique, ni théologien, il avait de profonds cris d’amour et de belles visions. Les conférences sur les vertus chrétiennes, la charité, la chasteté, la sainteté, celles de 1846 sur Jésus-Christ se lisent encore avec un plaisir qui va parfois jusqu’à l’émotion. (Et je profite de l’occasion pour rappeler aux profanes qu’il y a des chapitres pleins de grâce dans la Vie de saint Dominique et un grand charme de poésie, de tendresse, de piété un tant soit peu rêveuse et romanesque, dans la Vie de Marie Madeleine, dont les religieuses interdisent la lecture aux petites couventines et que M. Barbey d’Aurevilly a qualifiée de dangereuse et d’immorale.) Mais, il faut le reconnaître aussi, l’apologétique de Lacordaire n’était pas d’une extrême solidité. Cette démonstration de la vérité du catholicisme par son rôle dans l’histoire et dans la société humaine, c’est quelque chose d’un peu bien arbitraire ; car l’histoire se pétrit aisément selon la fantaisie de qui s’en empare, et je ne vois pas une religion qui ne puisse tenter une démonstration de ce genre. Ajoutez qu’à défaut de l’histoire, qu’il savait juste assez pour l’interroger avec éloquence, Lacordaire se contentait parfois de l’anecdote et qu’il lui arrivait de prouver la vérité de la religion chrétienne par un mot de Jean-Jacques ou de Napoléon à Sainte-Hélène.

Mort, ce candide Lacordaire — qui dans une brochure sur le pape professait le plus pur ultramonta-