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…Pauvre Jeanne, pauvre mère !

Je suis trop vieux pour rester bien sensible ; mais, en vérité, c’est un mystère douloureux que la mort d’un enfant.

Aujourd’hui le père et la mère sont revenus pour six semaines sous le toit du vieillard… Jeanne monte lentement l’escalier, m’embrasse et murmure à mon oreille quelques mots que je devine plutôt que je ne les entends. Et je lui réponds : — Dieu vous bénisse, Jeanne, vous et votre mari, dans votre postérité la plus reculée ! Et nunc dimittis servum tuum, Domine.

Partout cette tendresse et cette ironie s’accompagnent, car elles ont les mêmes origines ; elles sont l’une et l’autre d’une telle sorte qu’elles ne supposent pas seulement une disposition naturelle de l’esprit et du cœur, mais une science étendue, l’habitude de la méditation, de longues rêveries sur l’homme et sur le monde et la connaissance des philosophies qui ont tenté d’expliquer ce double mystère.

Ce fonds sérieux d’idées générales n’est jamais absent : souvent, à l’improviste, à propos de quelque observation particulière, il apparaît comme dans un éclair, et l’on voit tout à coup, derrière le souvenir ou l’impression notée en passant, s’ouvrir, par la vertu de quelques mots, des lointains qui troublent et qui font songer.

En voici un exemple que je choisis pour sa clarté. Un autre dirait, je suppose, en parlant du jardin où son enfance s’est écoulée : « C’est dans ce jardin que j’ai joué tout enfant. » M. Anatole France écrit :