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III

Aussi devait-il finir par écrire des romans où il serait lui-même en scène et qui seraient son histoire autant que celle des autres : des coins de réalité illustrés et commentés par son expérience ingénieuse. Et tels sont en effet ces deux chefs-d’œuvre : la Bûche et le Crime de Sylvestre Bonnard. Quand on sait tant et qu’on réfléchit tant, on ne s’oublie plus, on ne sort plus jamais hors de soi : c’est toujours soi-même qu’on regarde, puisque tout ce qu’on observe, on le rattache involontairement à une conception générale du monde et que cette conception est en nous.

Il ne faudrait pas croire après cela que ces deux petits romans soient de la même famille que ceux de Xavier de Maistre ou, pour citer un moindre artiste, de M. Alphonse Karr ; de ces romans « humoristiques » dont Flaubert a dit dans Bouvard et Pécuchet : « L’auteur s’interrompt à chaque instant pour parler de sa maîtresse et de sa pantoufle. Un tel sans gêne les ravit, puis leur parut stupide. » D’abord ce n’est point ici l’écrivain qui prend la parole, mais M. Sylvestre Bonnard, et nous avons vu qu’il avait bien son allure et sa physionomie à lui. Et M. Sylvestre Bonnard est bien trop sérieux pour nous entretenir « de sa pantoufle ou de sa maîtresse ». S’il parle à