simples sont faites pour enchanter les esprits malheureux qui n’aiment pas les romans compliqués.
Si la fable est en général peu de chose, les personnages vivent. Quels personnages ? Quels sont les masques humains que rendra de préférence un vieux savant comme Sylvestre Bonnard ? Ceux dont il diffère le plus doivent par là même le frapper davantage. Il est aussi conscient qu’on le peut être : il peindra donc surtout des inconscients, de ces êtres qui ne rentrent jamais en eux-mêmes, qui s’abandonnent sans défiance aux excès de parole et de mimique, qui sont le moins dans le secret de la comédie humaine, éternelles dupes et d’eux-mêmes et du monde extérieur. La série en est admirable. C’est M. Godet-Laterrasse, le mulâtre penseur, si digne, tout plein de cette vanité énorme et réjouissante qu’on trouve chez les nègres et les demi-nègres et chez quelques Méridionaux de l’extrême Midi. C’est l’ineffable Télémaque, ancien général nègre, devenu marchand de vin à Courbevoie et qui a de si amusantes extases devant la défroque de sa gloire passée. Et ce sont tous ceux qui rappellent le plus, chez nous, l’inconscience et la vanité des bons nègres : les bohèmes graves et grotesques, les ratés sublimes, les quarts d’homme de génie, les imaginatifs et les maniaques. Ces créatures irréfléchies auront toujours beaucoup d’attrait pour les hommes voués à la vie intérieure. Voici le marquis Tudesco, le proscrit italien, le vieux pitre emphatique et lettré, qui a traduit le Tasse et qui se grise avec