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    Christ Jésus doit un jour ressusciter les siens !
    Voilà ce que du moins enseignent les anciens.
    Homme, tu peux tenter d’éclaircir ce mystère ;
    Moi, femme, je dois croire, adorer et me taire.
    Christ est le Dieu des morts : que son nom soit béni !
    Hélas ! la vie est brève et l’amour infini.

Mais M. Anatole France a surtout aimé les belles pécheresses du premier et du second siècle de l’empire romain, celles qui, épuisées de voluptés, l’âme en quête d’inconnu, demandaient à l’Orient des dieux tristes à aimer, des cultes caressants et tragiques :

    Les femmes ont senti passer dans leurs poitrines
    Le mol embrasement d’un souffle oriental.
    Une sainte épouvante a gonflé leurs narines
    Sous des dieux apparus loin de leur ciel natal…
    Elle les voit si beaux ! Son âme avide et tendre,
    Que le siècle brutal fatigua sans retour,
    Cherche entre ces esprits indulgents à qui tendre
    L’ardente et lourde fleur de son dernier amour…
    Et Leuconoé goûte éperdument les charmes
    D’adorer un enfant et de pleurer un dieu…

Et nous aussi nous les aimons, ces femmes, et, parce qu’elle les a consolées et qu’elle console encore les âmes en peine, la religion de Jésus continue d’inspirer à beaucoup de ceux qui ne croient plus une tendresse incurable. Nous sentons dans l’Évangile je ne sais quel charme profond, mystique et vaguement sensuel. Nous l’aimons pour l’histoire de la Samaritaine, de Marie de Magdala et de la femme adultère. Nous nous imaginons presque que c’est le premier livre où il y ait eu de la bonté, de la pitié, une faiblesse pour les égarés et les irréguliers, le senti-