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faut, et le disant à merveille. Voyez le poème pour le cinquantenaire de Hernani, les strophes à Corot[1], les vers lus par Porel à Amsterdam, etc. Ce serait grande sottise et présomption de mépriser ce talent-là ou de le croire facile.

Quelque niais dira : M. Coppée nous montre, par un exemple charmant et déplorable, que l’habileté sans l’inspiration ne saurait s’élever à ces hauteurs où… (laissons-le finir sa phrase). On dirait plus justement : L’admirable chose que le « métier », le « sens artiste », la science des procédés du style, l’adresse à arranger les mots, l’art de la composition ! Et comme cela va loin ! Il faut assurément vénérer les poètes qu’on dit inspirés, entheoi, qui ne se possèdent plus, qui sont possédés par un dieu. Mais ils deviennent rares : l’inconscience décroît, et une certaine naïveté qui entre dans la composition du génie. Nous avons des poètes qui le sont quand ils veulent et comme ils veulent, qui se donnent et quittent à volonté l’émotion congruente à leur dessein. Il n’est guère de poète plus détaché de son œuvre, plus purement orfèvre que M. François Coppée : cela ne l’empêche point de faire, quand il lui plaît, des poèmes qui attendrissent les foules. Le progrès de la réflexion et de la conscience psychologique finira sans doute par éliminer les poètes inspirés. Il nous restera des poètes-artistes qui sauront au besoin imiter même

  1. Le Cahier rouge.