Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/79

Cette page n’a pas encore été corrigée

Troglodytes, des hommes du moyen âge, des hommes d’il y a deux ou trois siècles, se trouvent mêlés aux rares individus qui sont vraiment les hommes du XIXe siècle. Il faut donc que la justice soit savante et compatissante pour mesurer le traitement de chacun à son degré de « dignité ». « Le progrès de la justice est lié à celui des connaissances et s’opère à travers toutes les vicissitudes politiques. » La justice n’est pas encore ; mais elle se fait, et elle sera.

La première partie, Silence au coeur, écrite presque toute sous l’impression de la guerre et de la Commune, est superbe de tristesse et d’ironie, parfois de cruauté. Il m’est revenu que M. Sully-Prudhomme jugeait maintenant « l’appel au cœur » trop rapide, trop commode, trop semblable au fameux démenti que se donne Kant dans la Critique de la raison pratique, et qu’il se proposait, dans une prochaine édition, de n’invoquer ce « cri » de la conscience que comme un argument subsidiaire et de le reporter après la définition de la « dignité », qui remplit la neuvième Veille. Il me semble qu’il aurait tort et que sa première marche est plus naturelle. Le poète, au début, a déjà l’idée de la justice puisqu’il part à sa recherche. L’investigation terminée, il constate que son insuccès n’a fait que rendre cette idée plus impérieuse. « L’appel au cœur » n’est donc qu’un retour mieux renseigné au point de départ. Le chercheur persiste, malgré la non-existence de la justice, à croire à sa nécessité, et, ne pouvant en éteindre en lui le désir, il tente d’en éclaircir l’idée,