Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/76

Cette page n’a pas encore été corrigée


  « Je n’accepte de toi ni vœux ni sacrifices,
  Homme ; n’insulte pas mes lois d’une oraison.
  N’attends de mes décrets ni faveurs, ni caprices.
  Place ta confiance en ma seule raison ! »…

  Oui, Nature, ici-bas mon appui, mon asile,
  C’est ta fixe raison qui met tout en son lieu ;
  J’y crois, et nul croyant plus ferme et plus docile
  Ne s’étendit jamais sous le char de son dieu…

  Ignorant tes motifs, nous jugeons par les nôtres :
  Qui nous épargne est juste, et nous nuit, criminel.
  Pour toi qui fais servir chaque être à tous les autres,
  Rien n’est bon ni mauvais, tout est rationnel…

  Ne mesurant jamais sur ma fortune infime
  Ni le bien ni mal, dans mon étroit sentier
  J’irai calme, et je voue, atome dans l’abîme,
  Mon humble part de force à ton chef-d’œuvre entier.

Il serait intéressant de rapprocher de ces vers certaines pages de M. Renan. L’auteur des Dialogues philosophiques a plus d’ironie, des dessous curieux à démêler et dont on se méfie un peu ; M. Sully-Prudhomme a plus de candeur : incomparables tous deux dans l’expression de la plus fière et de la plus aristocratique sagesse où l’homme moderne ait su atteindre.

Sagesse sujette à des retours d’angoisse. Il y a vraiment dans le monde trop de douleur stérile et inexpliquée ! Par moments le cœur réclame. De là le poème de la Justice.