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Notez que ces curiosités n’arrêtent ni ne ralentissent le mouvement lyrique ; que l’effort patient de ces définitions précises n’altère en rien la véhémence du sentiment qui emporte le poète. Après le grave prélude, les strophes ont une large allure d’ascension. Une des beautés du Zénith, c’est que l’aventure des aéronautes y devient un drame symbolique ; que leur ascension matérielle vers les couches supérieures de l’atmosphère représente l’élan de l’esprit humain vers l’inconnu. Et après que nous avons vu leurs corps épuisés tomber dans la nacelle, la métaphore est superbement reprise et continuée :

  Mais quelle mort ! La chair, misérable martyre,
  Retourne par son poids où la cendre l’attire ;
  Vos corps sont revenus demander des linceuls.
  Vous les avez jetés, dernier lest, à la terre
  Et, laissant retomber le voile du mystère,
  Vous avez achevé l’ascension tout seuls.

Le poète, en finissant, leur décerne l’immortalité positiviste, la survivance par les œuvres dans la mémoire des hommes :

  Car de sa vie à tous léguer l’œuvre et l’exemple,
  C’est la revivre en eux plus profonde et plus ample.
  C’est durer dans l’espèce en tout temps, en tout lieu.
  C’est finir d’exister dans l’air où l’heure sonne,
  Sous le fantôme étroit qui borne la personne,
  Mais pour commencer d’être à la façon d’un dieu !
  L’éternité du sage est dans les lois qu’il trouve.
  Le délice éternel que le poète éprouve,
  C’est un soir de durée au cœur des amoureux !…