Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/52

Cette page n’a pas encore été corrigée


  « Écoutez-moi sans jalousie.
  Car l’aile de sa fantaisie
  N’a fait, hélas ! que m’effleurer.
  Je sais comment sa main repousse.
  Mais pour ceux qu’elle aime elle est douce ;
  Ne la faites jamais pleurer !… »

  Je pourrais vivre avec l’idée
  Qu’elle est chérie et possédée
  Non par moi, mais selon mon cœur.
  Méchante enfant qui m’abandonnes,
  Vois le chagrin que tu me donnes :
  Je ne peux rien pour ton bonheur !


IV

Je dirai des Épreuves à peu près ce que j’ai dit des recueils précédents : M. Sully-Prudhomme renouvelle un fonds connu par plus de pensée et plus d’analyse exacte que la poésie n’a accoutumé d’en porter. « Si je dis toujours la même chose, c’est que c’est toujours la même chose », remarque fort sensément le Pierrot de Molière. La critique n’est pas si aisée, malgré l’axiome que l’on sait ; et il faut être indulgent aux répétitions nécessaires. En somme, une étude spéciale sur un poète — et sur un poète vivant dont la personne ne peut être qu’effleurée et qui, trop proche, est difficile à bien juger — et sur un poète lyrique qui n’exprime que son âme et qui ne raconte pas d’histoires — se réduit à marquer autant qu’on peut sa place et son rôle dans la littérature, à chercher où gît son originalité et des formules qui la