Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/41

Cette page n’a pas encore été corrigée

passa son baccalauréat ès sciences et fit une partie des mathématiques spéciales ; une ophtalmie assez grave interrompit ses études scientifiques. Il revint à la littérature librement, la goûta mieux et en reçut des impressions plus personnelles et plus profondes, n’ayant pas à rajeunir et à vivifier des admirations imposées et n’étant pas gêné par le souvenir de sa rhétorique. Il passa son baccalauréat ès lettres pour entrer ensuite à l’École de droit. En même temps il se donnait avec passion à l’étude de la philosophie. Sa curiosité d’esprit était dès lors universelle.

Préparé comme il l’était, il ne pouvait débuter par de vagues élégies ni par des chansons en l’air : sa première œuvre fut une série de poèmes philosophiques. Je dis sa première œuvre ; car, bien que publiés avec ou après les Stances, les Poèmes ont été composés avant. C’est ce que notre poète a écrit de plus généreux, de plus confiant, de plus « enlevé ». Un souffle de jeunesse circule sous la précoce maturité d’une science précise et d’une forme souvent parfaite. Dès ce moment il trace son programme poétique et l’embrasse avec orgueil, étant dans l’âge des longs espoirs :

  Vous n’avez pas sondé tout l’océan de l’âme,
  Ô vous qui prétendez en dénombrer les flots…
  Qui de vous a tâté tous les coins de l’abîme
  Pour dire : « C’en est fait, l’homme nous est connu ;
  Nous savons sa douleur et sa pensée intime
  Et pour nous, les blasés, tout son être est à nu ? »
  Ah ! ne vous flattez pas, il pourrait vous surprendre[1]

  1. Encore.