Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/39

Cette page n’a pas encore été corrigée

SULLY-PRUDHOMME

Une tête extraordinairement pensive, des yeux voilés — presque des yeux de femme — dont le regard est comme tourné vers le dedans et semble, quand il vous arrive, sortir « du songe obscur des livres » ou des limbes de la méditation. On devine un homme qu’un continuel repliement sur soi, l’habitude envahissante et incurable de la recherche et de l’analyse à outrance (et dans les choses qui nous touchent le plus, et où la conscience prend le plus d’intérêt) a fait singulièrement doux, indulgent et résigné, mais triste à jamais, impropre à l’action extérieure par l’excès du travail cérébral, inhabile au repos par le développement douloureux de la sensibilité, défiant de la vie pour l’avoir trop méditée. Spe lentus, timidus futuri. Il est certain qu’il a plus pâti de sa pensée que de la fortune. Il nous dit quelque part que, tout enfant, il perdit son père, et il nous parle d’un amour trahi :