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des Poirier de pacotille. Si on nous présente un notaire, il sera cérémonieux ou plaisantin ; si un homme de chicane, il aura le regard faux et les lèvres minces ; si un cabaretier, il aura un gros ventre et une face apoplectique ; si un vieux colonel, ce sera un ours, un sanglier avec un coeur d’or. On les connaît d’avance, on les voit venir, on a le plaisir de les retrouver, on n’est jamais surpris ni dérouté par la moindre trace d’observation personnelle. Si vous avez un vieux gentilhomme possédé de la manie des inventions et qui passe sa vie dans son laboratoire, quel fils lui donnerez-vous ? Un hobereau, grand chasseur, grand buveur et grand coureur de filles, cela ne fait pas un pli ; et tel est bien Robert de Clairefond. Et si ce gentilhomme a une sœur qui soit une vieille fille, que sera-t-elle ? Si elle n’est pas la chanoinesse rêche, austère et dévote, elle sera évidemment la vieille demoiselle à moustaches, bonne, brusque et gaillarde en propos ; et telle est, en effet, Mlle de Saint-Maurice.

Dans ce monde convenu, d’où l’observation directe et sincère est absente, trouve-t-on du moins toujours la vérité relative des sentiments et la conformité des actes aux caractères ? Je n’oserais en jurer. Les personnages « sympathiques » sont d’une extrême noblesse morale, et leurs erreurs mêmes sont celles de grandes âmes. C’est égal, leur conduite est parfois bien singulière. Claire de Beaulieu nous est donnée pour une créature merveilleusement fière et loyale :