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rie » du siècle. M. Georges Ohnet est bien modeste s’il ne s’estime pas le premier écrivain de notre temps.

D’un autre côté, les romans de M. Georges Ohnet ont rencontré chez les lettrés, aussi bien chez ceux qui relèvent de la tradition classique que chez les autres, la plus complète indifférence ou même le dédain le moins dissimulé. Je ne dis pas qu’il n’y ait eu parfois quelque affectation dans ce dédain ; je ne dis pas que tous ceux qui méprisent la Grande Marnière en aient bien le droit, mais je dis que parmi les artistes dignes de ce nom il n’en est pas un seul qui fasse cas de M. Georges Ohnet. Et vous ne trouveriez pas non plus un critique sérieux qui l’ait seulement nommé, à moins d’y être contraint par les nécessités d’un compte rendu bibliographique. Cet universel silence des lettrés autour des Batailles de la vie est aussi remarquable que la faveur dont jouissent ces rapsodies auprès du grand public.

On ne manquera pas de dire que cette attitude de certains « confrères » déguise une envie noire. Franchement, je ne le crois pas. Ils peuvent éprouver un peu de cet ennui que donne l’absurdité des choses humaines aux gens qui ne sont pas très philosophes ; mais ce n’est point là de l’envie. Ils ne seraient point fâchés sans doute d’avoir autant de lecteurs que M. Georges Ohnet ; mais j’affirme que pas un ne voudrait avoir écrit ses livres.

Or le sentiment des quelques centaines de dédai-