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car les chefs-d’œuvre sont les pères des rengaines et des livres méprisables. On trouve tout fade, même le roman naturaliste qui est pourtant le plus artificiel des genres, et l’on se demande si tout cela n’est pas ridicule et stupide ? Et alors quel refuge ? La sensation, la seule chose qui ne trompe pas. L’art nouveau, l’art suprême, négation de presque tout l’art antérieur, se réduit peut-être à cette recherche inventive de la sensation rare. Et si cette étude implique une indifférence absolue à l’égard de tout, morale, raison, science, du moins elle réserve et respecte, si je puis dire, le mystère des choses. Des Esseintes n’écrira jamais cette phrase étonnante de M. Berthelot : « Le monde n’a plus de mystères. » Aussi la folie sensationniste de des Esseintes s’allie-t-elle très aisément avec une espèce de catholicisme sadique.

Tout compte fait, M. Huysmans, en dépit des outrances puériles et des incohérences, a décrit une situation d’esprit exceptionnelle et bizarre, mais où nous entrons encore sans trop de peine et qui est, je crois, celle d’un certain nombre de jeunes gens. Il reste dans la mémoire, son des Esseintes, si bien pourri, faisandé et tacheté, — et qui devrait s’appeler des Helminthes : type quasi fantastique du décadent qui s’applique à être décadent, qui se décompose et se liquéfie avec une complaisance vaniteuse et se conjouit d’être pareil à un cadavre aux nuances changeantes et très fines qui se vide avec lenteur…

Le spectacle est complet, car la langue se putréfie