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et du goût. Le médecin appelé lui ordonne un lavement à la peptone : L’opération réussit et des Esseintes ne put s’empêcher de s’adresser de tacites félicitations à propos de cet événement qui couronnait, en quelque sorte, l’existence qu’il s’était créée ; son penchant vers l’artificiel avait maintenant, et sans même qu’il l’eût voulu, atteint l’exaucement suprême (sic) ; « on n’irait pas plus loin ; la nourriture ainsi absorbée était, à coup sûr, la dernière déviation qu’on pût commettre (sic) ». Enfin, le médecin lui enjoint, sous peine de mort, de rentrer à Paris. Des Esseintes, à cet instant, a un léger accès de catholicisme tempéré par cette considération que « d’éhontés marchands fabriquent presque toutes les hosties avec de la fécule de pommes de terre » où Dieu ne peut descendre. « Cette perspective d’être constamment dupé, même à la sainte Table, n’est point faite, se dit des Esseintes, pour enraciner des croyances déjà débiles. » Et tout finit par une malédiction générale. L’aristocratie est idiote, le clergé déchu, la bourgeoisie ignoble. « Ah ! croule donc, société ! meurs donc, vieux monde ! »

Et le lecteur n’est pas troublé le moins du monde, pas plus qu’il n’a été troublé auparavant. Car c’est là le malheur de ce livre, d’ailleurs divertissant : il ressemble trop à une gageure et on a peur d’être dupe en le prenant trop au sérieux.

L’impression totale est donc équivoque. On voit bien que des Esseintes est un maniaque, un fou, ou