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deux routes conduisent au même rond-point. Au fond, le concubinage et le mariage se valent, puisqu’ils nous ont, l’un et l’autre, débarrassés des préoccupations artistiques et des tristesses charnelles. Plus de talent, et de la santé, quel rêve ! »

L’oeuvre n’est point méprisable, il s’en faut. La monotonie de l’état d’esprit d’André, la série banale de ses recherches et de ses expériences finissent par produire une impression d’accablement telle que l’écrivain capable de la donner, d’ennuyer à ce point le lecteur tout en le retenant, a certainement une force en lui. Et le sentiment de la bêtise de la vie se relève ici d’une amertume de plus en plus féroce à l’égard des hommes et des choses. Lisez le passage où Cyprien et André remuent leurs souvenirs de collège : vous verrez à quel point l’imagination de M. Huysmans est bilieuse et noircissante. Les classiques ? des idiots. Les pions ? des brutes méchantes. La nourriture ? infâme. Le collège ? un bagne. — Eh ! là là, nous y avons tous passé, et pourtant notre enfance ne nous apparaît pas si sombre… On avait de bons moments, l’heureuse gaieté absurde et irrésistible de cet âge. Le pion n’était pas toujours un misérable ; le professeur était quelquefois un brave homme qui croyait à la beauté des vers de Virgile et nous y faisait croire. Le menu n’était pas succulent, mais il n’y avait pas toujours des cloportes dans la soupe, — et on redemandait des haricots ! On avait si bon appétit !

Non que j’entende convertir sur ce point