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qu’il y a, passé trente ans, à trouver des femmes et, d’autre part, l’impossibilité de s’en passer. — André, romancier naturaliste de son état, rentrant chez lui sans être attendu, trouve sa femme avec un amant. Il s’en va sans rien dire, recommence sa vie de garçon et, après une laborieuse série d’expériences, finit par reprendre sa femme. Son ami Cyprien Tibaille (déjà vu) finit de son côté par « se mettre » avec une roulure bonne fille, qui a la vocation de garde-malade.

Ne vous y trompez point : ce n’est pas un drame psychologique. André n’avait aucune passion pour Berthe : ce n’est point par ressouvenir, regret, tendresse, faiblesse de cœur ou pitié qu’il la reprend ; ce qui lui pèse, ce n’est point la solitude morale, mais la solitude à table et au lit : le ressort de l’histoire est purement physiologique. Je ne dis point que la préoccupation qui remplit entièrement le temps que passe André loin de sa femme ne tienne pas en effet une grande place dans notre vie : je remarque que c’est peut-être la première fois qu’on cherche à nous intéresser sérieusement, sans grivoiserie comme sans vergogne, à un drame de cet ordre et à en faire le sujet d’un long roman où l’on ne rit pas — oh ! non, — où même le héros s’ennuie tant que cet ennui gagne en maint endroit le lecteur.

La morale de l’histoire n’est pas gaie. Cyprien la donne à la fin du livre :

« C’est égal, dis donc, c’est cela qui dégotte toutes les morales connues. Bien qu’elles bifurquent, les