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parfois, dans quelque café-concert, à prendre un bain de bêtise et de crapule ? C’est un plaisir d’orgueil et c’est aussi un plaisir d’encanaillement. Même à la fin, parmi cette volupté paradoxale, nous sentons naître en nous un imbécile et une brute, et ces trivialités et ces sottises flattent je ne sais quoi de bas et de mauvais que nous portons au fond de notre âme depuis la chute originelle.

Une affectation de mépris pour la réalité vulgaire, et, en même temps, une prédilection exclusive pour cette réalité même dès qu’il s’agit d’art : ces deux sentiments s’engendrent peut-être l’un l’autre et forment, en tout cas, le naturalisme de M. Huysmans, qui n’est pas un naturalisme très naturel.

Et, par exemple, il se monte vraiment un peu trop la tête sur la beauté particulière des rues de Paris. Hé ! nous les connaissons, nous les aimons, nous savons qu’elles sont vivantes et pittoresques. Mais M. Huysmans fait de cela un grand mystère. Il nous enseigne à un endroit que chaque quartier de Paris a sa physionomie propre et il se vante d’avoir découvert la formule de la rue Cambacérès. Ce qui fait le caractère de cette rue, c’est qu’elle est habitée par une bourgeoisie riche et rechignée et par une valetaille surtout anglaise. «… Voyons, mettons un peu d’ordre dans nos idées : ce quartier est complexe, mais je le démêle. Deux éléments dissemblables et découlant l’un de l’autre, pourtant, le marquent d’un cachet personnel (M. Huysmans, j’ai hâte de le dire,