Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/323

Cette page n’a pas encore été corrigée

ruines dans la boue. Mais point : nul mouvement ordonné vers un but et qui donne l’idée d’un drame ; pas d’histoire construite en vue d’un effet d’ensemble et où toutes les parties apparaissent comme nécessaires. M. Huysmans va presque au hasard. Ses romans sont comme invertébrés ; les diverses parties ne se tiennent pas, ne dépendent point les unes des autres. L’histoire de Marthe pourrait finir beaucoup plus tôt ou traîner indéfiniment, et ce serait toujours la même chose. De même la vie de Céline et celle de Désirée, découpées par morceaux, au petit bonheur, se déroulent parallèlement avec une parfaite monotonie. L’interminable série des rendez-vous de Désirée et d’Auguste, des tête-à-tête de Céline et de Cyprien, se prolonge, on ne sait pourquoi, et, quand elle finit, on se demande pourquoi c’est à ce moment-là plutôt qu’à un autre. Il y a vingt scènes toutes pareilles dans des milieux à peine différents. Évidemment l’écrivain s’applique à nous donner une énervante impression de piétinement sur place. On rapporte de là un sentiment accablant de l’insignifiance de la vie, et c’est sans doute ce qu’il a voulu.

La manière de M. Huysmans rappelle donc, à quelques égards, celle de Flaubert, dans l’Éducation sentimentale, ce prodigieux roman où il n’arrive rien, où tout est quelconque, événements et personnages. Et, par d’autres côtés, M. Huysmans se rattache évidemment à l’auteur de l’Assommoir. Il aime, comme Zola, à exprimer la laideur de la vie et,