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rieur : si bien qu’elle le quitte un beau jour pour revenir à Anatole. — Désirée pendant ce temps-là aime un brave ouvrier un peu timide, Auguste. Mais ils finissent par se fatiguer l’un de l’autre et chacun se marie de son côté. Et puis c’est tout.

À travers ces deux romans (dont le premier surtout, Marthe, est très imparfait), éclate un don précieux, le don de saisir et de fixer les détails des objets extérieurs, et aussi le don d’exprimer, en traits véhéments et crus, les côtés grotesques de la vie. M. Huysmans doit tenir cet héritage de ses aïeux flamands. Il a des silhouettes et des scènes qui rappellent Téniers et plus encore Jordaëns.

Mais en même temps certains partis pris se font sentir, par où se précise la physionomie littéraire de M. Huysmans. Ces détails, qu’il sait rendre avec intensité, il les choisit à plaisir bas, répugnants et misérables, et il apporte dans ce choix une espèce d’ironie cruelle et de mépris qui ne sont point, je crois, dans l’œuvre de M. Émile Zola, sereine malgré tout.

L’impression de platitude et de tristesse est encore augmentée par l’absence volontaire de plan, de composition, d’intérêt dans le récit. Les sujets sont bas : mais au moins pourraient-ils devenir dramatiques (à la façon de l’Assommoir ou de Nana), si l’auteur y marquait par larges étapes le progrès de quelque vice, de quelque dégradation, ou le développement de quelque puissance malfaisante accumulant des