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à aimer ce jeune peintre ? Quel mélange cet amour doit faire avec les autres sentiments de cette demoiselle ! L’histoire de son passé, ses souffrances, ses luttes intérieures, voilà qui serait intéressant ! — Je crois, hélas ! que ce serait fort banal, et que justement miss Harriet nous amuse et nous reste dans la mémoire parce qu’elle n’est qu’une silhouette bizarre, ridicule et touchante. Il y a dans tous ces contes tout autant de « psychologie » qu’il en fallait. Il y en a dans la Ficelle ; il y en a, d’un autre genre, dans le Réveil et, si vous voulez une alliance originale de sentiments mêlés eux-mêmes à des sensations rares (quelque chose comme du Pierre Loti, mais avec un peu plus de verbes et moins d’adjectifs), vous en trouverez un spécimen dans la jolie fantaisie de Châli.

M. de Maupassant a encore un autre mérite qui, sans être propre aux classiques, se rencontre plus fréquemment chez eux et qui devient assez rare chez nous. Il a au plus haut point l’art de la composition, l’art de tout subordonner à quelque chose d’essentiel, à une idée, à une situation, en sorte que d’abord tout la prépare et que tout ensuite contribue à la rendre plus singulière et plus frappante et à en épuiser les effets. Dès lors, point de ces digressions où s’abandonnent tant d’autres « sensitifs » qui ne se gouvernent point, qui s’écoulent comme par des fentes et s’y plaisent. De descriptions ou de paysages, juste ce qu’il en faut pour « établir le milieu », comme on dit ; et