Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/312

Cette page n’a pas encore été corrigée

témoignage d’un tempérament très chaud. Puis vint Boule-de-Suif, cette merveille. En même temps M. Zola nous apprenait dans une chronique que l’auteur était aussi râblé que son style, et cela nous faisait plaisir. Depuis, M. de Maupassant n’a cessé d’écrire avec aisance de petits chefs-d’œuvre serrés.

Sa prose est d’une qualité excellente, et si nette, si droite, si peu cherchée ! Il a bien, comme tout le monde aujourd’hui, d’habiles alliances de mots, des trouvailles d’expression ; mais cela est toujours si naturel chez lui, si bien venu et si spontanément qu’on ne s’en avise qu’après coup. Remarquez aussi la plénitude, l’équilibre, le bon aménagement de sa phrase quand par hasard elle s’allonge un peu, et comme elle retombe « carrément » sur ses pieds. Ses vers déjà, quoique la poésie y fût abondante et forte, étaient plutôt des vers de prosateur (un peu comme ceux d’Alfred de Musset). Cela se reconnaissait à divers signes, par exemple au peu d’attention qu’il accorde à la rime, au peu de soin qu’il prend de la mettre en valeur, et encore à cette marque, que la phrase se meut et se développe indépendamment du système de rimes ou de la strophe et continuellement la déborde. Voici les premiers vers du volume :

  Les fenêtres étaient ouvertes. Le salon
  Illuminé jetait des lueurs d’incendies,
  Et de grandes clartés couraient sur le gazon.
  Le parc là-bas semblait répondre aux mélodies
  De l’orchestre, et faisait une rumeur au loin.