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l’est avec complaisance, il l’est avec fièvre et emportement ; il est comme hanté par certaines images, par le souvenir de certaines sensations. On comprend que j’hésite ici à administrer les preuves : qu’on veuille bien relire, par exemple, l’histoire de Marroca ou celle de cet amant qui tue par jalousie le cheval de sa maîtresse (Fou). On verra, en feuilletant les contes que, s’il arrive à M. de Maupassant d’être simplement grivois ou gaulois (et dans ce cas tout est sauvé par le rire), plus souvent encore il a la grande sensualité, celle qui — comment dirai-je ? — ne se localise point, mais qui déborde partout et fait de l’univers physique sa proie délicieuse : et alors tout est sauvé par la poésie. À la sensation initiale et grossière s’ajoutent les impressions des objets environnants, du paysage, des lignes, des couleurs, des sons, des parfums, de l’heure du jour ou de la nuit. Il jouit profondément des odeurs (Voyez Une idylle, les Soeurs Rondoli, etc.) ; c’est qu’en effet les sensations de cet ordre sont particulièrement voluptueuses et amollissantes. Mais, à vrai dire, il jouit du monde entier, et chez lui le sentiment de la nature et l’amour s’appellent et se confondent.

Cette façon de sentir, qui n’est pas neuve, mais qui est intéressante chez l’auteur de tant de récits joyeux, on la trouvait déjà dans sa première oeuvre, dans son livre de vers, d’un si grand souffle et malgré les fautes, d’une poésie si ardente. Les trois pièces capitales sont trois drames d’amour en pleine